Le roman comporte quatre parties. Elles tirent leurs titres des quatre mouvements du quatuor Rosamunde de Schubert. Ainsi, la première partie du livre s’intitule « Allegro ma non troppo », la seconde « Andante », la troisième « Menuetto : Allegretto » et la quatrième « Allegro moderato ».
Phénomène assez remarquable, le roman contient deux extraits de la partition. Le thème de l’Andante apparaît dans la première partie, lorsque Yu, le père de Rei, et les musiciens chinois sont en train de répéter (p. 49). Le thème de l’Allegro ma non troppo apparaît dans la dernière partie du roman, qui correspond au concert de la Salle Pleyel (p. 211).
Les musiciens amateurs de la première partie font leur autocritique (p. 32-34), discutent de parallèles dans les œuvres de Schubert. Lorsque Cheng parle du rythme de l’alto et du violoncelle, il utilise des onomatopées : « tâ… takatakata……, tâ… takatakata……, tâ… takatakata…… ». A travers ses choix de ponctuation et son utilisation d’un accent circonflexe, l’auteur cherche à traduire les rythmes, les hauteurs et les accents en texte. A la page suivante, le père de Rei reprend la formule de Cheng.
Lorsque le quatuor rejoue le premier mouvement (p. 35) l’auteur choisit d’écrire le nom des notes. Comparons la ponctuation utilisée pour représenter les croches du second violon et celle représentant les premières phrases du thème joué par le premier violon. Dans la formule « Do-mi-do-si-do-mi-la-mi, do-mi-do-si-do-mi-la-mi », les croches sont séparées par un tiret tandis que la virgule représente la barre de mesure. Dans la formule « Mi~~~do~la~~, do~si~~~-ré-do-si-do-si-la-~do~si~~~sol#~do~~~la~ré~~ré#~~mi~~~ » le tilde permet de signaler aux lecteurs des valeurs égales ou supérieures à la noire, les tirets représentent toujours les croches, la virgule, en revanche, ne correspond plus à une barre de mesure mais indique la fin de la première liaison.
Yu, propose aux autres membres du quatuor, Yanfen, Cheng et Kang de faire fi des conventions du Japonais pour établir entre eux un rapport d’égal à égal (p. 44-45). La musique semble l’avoir inspiré : « Nous sommes aussi petits les uns que les autres devant cette œuvre immense ». Les membres du quatuor amateur sino-japonais acceptent de tenter l’expérience. Ils s’adressent la parole par leurs prénoms respectifs tout en délaissent le « san ».
Dans la seconde partie, lorsque Jacques quitte les études littéraires à la Sorbonne pour devenir apprenti-luthier à Mirecourt, l'auteur justifie le choix de son personnage en expliquant les frustrations qu'il a rencontré. « La manière savante d’aborder la littérature, à force de s’attacher à l’auteur, lui avait semblé manquer l’essentiel : le vaste champ des résonances des mots formant la réalité première et tangible de chaque œuvre » (p. 96). Faut-il rapprocher cette remarque des libertés que prend Jacques avec les vers de Paul Verlaine (p. 110) ?
Nous devons enfin mentionner l'entretien auquel participe Jacques pour la revue "Musique et Parole" (p. 225-227). L'auteur se plaît à nous relater les différentes étapes menant à la parution de l'article. Il nous donne des détails sur la façon dont le journaliste organise l’entretien : trois jours, à raison de deux heures par jour ; prise de notes et enregistrement audio. Après réception des épreuves, Jacques se livre à de premières rectifications avant de recommencer le lendemain au cours de quatre relectures. Lorsque l’article paraît, Jacques décide de le traduire en Japonais (p. 231-232).
Car Jacques s’est mis à la traduction sur le tard. Il a entrepris de traduire vers le français Dites-moi comment vous allez vivre, de Genzaburo Yoshino (p. 227, 230 et 235). On imagine facilement le passage de la lutherie à la traduction. En effet, cela demande de la patience et de la méticulosité, qualités que Jacques possède en abondance. Plus tôt, le roman établit un rapport entre la répétition quasi-clandestine du quatuor sino-japonais de la première partie et le court roman de Takiji Kobayashi, « Le bâteau usine » (p. 188). Ce texte raconte les conditions de travail des pêcheurs de crabes en mer d’Okhotsk. Ainsi donc, l’auteur relie deux œuvres bien différentes de la littérature japonaise aux destins de ses personnages.
Mizubayashi, Akira, Âme brisée, Gallimard, 2019
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