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Grandiose, d'un romantisme édulcoré

En poursuivant notre étude des personnages de « Nutshell », transposition d’Hamlet signée Ian McEwan, nous tombons nez à nez avec Claude, l’oncle du héros.  Il conspire contre son frère, John, avec l’aide de sa maitresse (et belle-soeur), Trudy. Elle porte notre héros-narrateur, dont la haine qu’il nourrit pour Claude a aussi des raisons musicales.

Le patronyme occasionne la première mention d’un compositeur Européen. Chaque fois qu’il se présente, l’oncle comploteur dit “Claude, as in Debussy,” comme pour aider ses interlocuteurs à prononcer son nom. Voilà qui ne manque pas de dégoûter notre narrateur. (Chapter One, p. 5). Car l’homme semble se complaire dans son ignorance. Le nom du compositeur Français ne sert qu’à briser la glace, l’œuvre musicale ne présente pour lui aucun intérêt. Notre narrateur-fœtus s’assure de rétablir la vérité : “This is Claude as in property developer who composes nothing, invents nothing.”

Au début du chapitre trois, le narrateur cherche à mieux cerner la personnalité de son oncle. La description s’intéresse aux qualités musicales de l’assassin en herbe. “Here is a man who whistles continually, not songs but T.V. jingles, ringtones, who brightens a morning with Nokia’s mockery of Tárrega.” (p. 20). Devant le ton indigné du héros, on peut difficilement s’empêcher de sourire. Non seulement dénonce-t-il l’ignorance crasse de son oncle mais il condamne la réappropriation commerciale par la marque finlandaise de la composition de Francisco Tárrega, guitariste classique et compositeur à cheval entre le XIXème et le XXème siècle.

Ne vous laissez pas abuser par l’évocation de ces compositeurs européens. Le monde de Claude est celui de la culture populaire. Son fait musical le plus remarquable arrive au chapitre douze lorsqu’il siffle le thème d’“Exodus” (du compositeur Ernest Gold). L’auteur emploie l’adverbe “cheerily” et remarque que Claude fait usage de son “full vibrato”. Une fois encore, la référence musicale permet au héros de prendre ses distances, esthétiquement parlant : “Grandiose, in a corrupted romantic style, to my newly formed ear, redemptive orchestral poetry to Claude’s.” (p. 112).

Dans le même chapitre, l’expression musicale de Claude vient ajouter à la tension d’une scène impliquant sa complice, Trudy.  Ignorant ses sentiments, Claude chante le fragment d’une mélodie (“croons a snatch”). Les paroles proviennent d’une chanson dont on ne connaîtra pas le nom : “They said you’re screwed, your act’s too crude, but we came throuuugh.” (p. 118). Remarquez la triple voyelle dans le dernier mot, une astuce à l’intention des lecteurs, qui peuvent partager l’exaspération de Trudy. Tandis que l’expression “your act’s too crude” pourrait facilement s’appliquer au chanteur de manière générale.

A la page suivante, l’oncle propose une interprétation hybride, “half humming, half whistling something new” (p. 119). Comme précédemment, la chanson ne sera pas identifiée. Est-ce un équivalent musical de l’imprécision du comploteur, défaut que le narrateur ne cesse de critiquer tout au long du roman ? Claude n’arrive pas à choisir un mode de production sonore, quant aux paroles, elles sont si banales qu’elles pourraient appartenir à n’importe quelle chanson.

A un moment où le couple adultère semble déterminé à passer  à l’acte, la pop d’un auto radio (“a delivery van's pop music”) parvient aux oreilles du narrateur (Chapter Nine, p. 85). Cette connexion n’est pas fortuite. L’impression est accompagnée de son effet Doppler : “the cheerless band lifting and dipping a microtone but staying in tune with itself.” Le narrateur ajoute: “There’s a message in there for me, just out of reach.” Fait-il référence aux paroles de la chanson ? Ou attribue-t-il une valeur symbolique au changement de fréquence ? 

McEwan, Ian, Nutshell, Vintage, Penguin, 2017


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