C'est un ancien violoniste, mais le narrateur nous dit d'emblée qu'il n'y a rien à espérer. Sa musique est à l'image de sa déchéance. Mais elle est aussi une forme de comique de répétition. Car Fiodor n'est pas conscient de l'horreur qu'il suscite chez l'invité et il est toujours prêt à offrir ses services.
On dénombre cinq interventions de Fiodor dans le texte. La première complète son portrait (p. 126-127). Son violon est « méchant », sa voix est « débile ». Qu’en est-il de sa technique instrumentale ? Il appuie « l’instrument sur sa poitrine », « saisit l’archet par le milieu » et « râcle » les cordes. Je laisse aux lecteurs (re)découvrir le délice de la description que fait l’auteur de la danse.
La seconde, purement vocale, intervient entre la "récompense" de Fiodor et le dîner (p. 127-128). Le traducteur nous explique qu’il s’agit de « Ode sur la prise d’Izmaïlov ». C’est donc une référence à un conflit antérieur à celui auquel Radilov a participé. Le chant de Fiodor permet d’une part, d’introduire le sujet de la guerre de Turquie et, d’autre part, de nous rendre Fiodor plus grotesque encore. Ce dernier, après son verre, a « les yeux brillants et le nez rouge. »
La troisième est interrompue par le propriétaire (p. 128). Il est intéressant de remarquer l’utilisation que fait Tourguenev des guillemets. Vers la fin du dîner, l’intention de Fiodor est de « célébrer » la tablée [les guillemets sont de l’auteur]. (Nous avions un autre exemple lorsque le narrateur parlait des « talents » de Fiodor dans la première intervention.) Radilov, observant son invité le narrateur, lui demande poliment d’arrêter.
La quatrième, au violon et au chant, se veut réconfortante (p. 131-132). Radilov vient, autour d’un thé, d’évoquer le souvenir douloureux du décès de sa femme. L’auteur ne donne aucun détail sur la chanson de Fiodor et ne s’attarde pas non plus sur son jeu instrumental mais nous offre deux adjectifs pour qualifier sa voix : « rauque, bizarre ». Quant à l’effet qu’il produit sur ses malheureux auditeurs, le narrateur évoque un frisson déclenché par le tout premier son à s’échapper de l’étrange personnage.
La cinquième, strictement vocale, célèbre la venue d'Ovsianikov (p. 133). C’est Radilov qui, cette fois-ci, réclame à Fiodor un chant et une danse. L’auteur, après avoir décrit avec humour les mouvements du chanteur-danseur, inclue un vers de la chanson. Tout comme pour l’ode cité précédemment, la citation est en italique, bien détaché du corps du texte. Cette dernière intervention de Fiodor annonce la fin la nouvelle mais aussi celle qui s’enchaîne immédiatement arpès, puisqu’elle a pour sujet Ovsianikov.
Tourgueniev, Ivan, « Mon voisin Radilov », (p. 123-134), Mémoires d’un chasseur, (trad. Henri Mongault), Folio Classique, Gallimard, 2019
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