Neil Klugman, le narrateur, entame
une relation amoureuse, avec Brenda Patimkin. Les Patimkin sont plus riches que
la famille de Neil. Il vit avec sa tante à Newark, tandis que les Patimkin vivent
à Short Hills.
L’histoire mentionne Kostelanetz
et Mantovani. Des titres de chanson tels que “Night and Day,” “I Get a Kick out
of You,” “Get Me to the Church on Time” ainsi que le titre de la comédie
musicale My Fair Lady apparaissent dans le texte. Ce n’est que dans la
seconde moitié du roman que la musique gagne du terrain.
Cependant le plus merveilleux des
passages sur l’expression musicale se trouve dans la première moitié du texte. Et
il ne concerne pas de chanson existante. Et il ne se rapporte pas à un genre
musical précis. Neil et Brenda, deux jeunes amants, apprennent à exprimer leurs
sentiments l’un pour l’autre dans un échange de vers improvisés qui est à la
fois timide et enjoué. L’auteur utilise le mot “dithyrambs” et une série
d’adjectifs qui pourrait décrire leur relation : “hesitant, clever, nervous,
gentle.” Ce moment de création insuffle la vie à des sentiments qui jusque-là
ne s’étaient pas encore manifestés dans leur romance naissante. L’expression
musicale trace un chemin vers la découverte de soi.
La plupart des références
musicales nous viennent de Ron, le grand frère de Brenda. Lorsqu’il discute
avec Neil, il mentionne immédiatement sa collection de disques (Kostelanetz et
Mantovani). Il demande au petit ami de sa sœur qui est son chef d’orchestre
préféré. Match nul. D’un seul coup, l’ignorance de Ron en matière de musique ainsi
que l’ironie snob de Neil sont révélées au grand jour. Les lecteurs prennent
naturellement parti pour le narrateur. Quand Ron cherche à chanter avec
l’interprétation d’Andre Kostelanetz’s de “Night and Day,” Neil ne reconnaît
pas l’air.
L’effet est comique mais il y a
bien un enjeu. La musique émerge comme sujet de conversation au moment où la
vie de Ron est sur le point de changer. Ron cherche quelque chose dans la
musique qu’il écoute, aussi limitée soit sa connaissance. En fait, sa troisième
référence musicale concerne un album mystère qui hantera l’esprit de Neil un
long moment. Sa première rencontre avec le disque lui inspire un étrange rêve. Plus
tard, alors que Ron essaye d’établir un lien avec lui et l’invite dans sa
chambre, le narrateur entend tout le disque et en fait une longue description.
Les références musicales
soulignent souvent les craintes de Neil d’être inadapté. Dans son esprit, Ron a
le gabarit d’un géant et la musique qu’il écoute renforce cette perception. Bien
sûr, les chefs d’orchestre “semi-classical” ont un penchant pour l’excès mais
il paraît difficile de séparer ce commentaire raisonnablement objectif de la
perception de Neil. Ainsi, l’interprétation mentionnée ci-dessus de “Night and
Day” libère un millier de violons chantants (“[lets] several thousand singing
violins loose”). Cet assaut lyrique fait écho à la bataille domestique qui se
livre dans le foyer Patimkin. Neil se sent écrasé et le fait que Ron ait l’air
d’un colosse (“colossal”) sur son lit n’atténue pas ce sentiment.
Le narrateur est tout aussi
intimidé lorsqu’il observe Carlota, la bonne des Patimkins, en train de
cuisiner et de chanter en même temps. Neil est impressionné par l’aisance avec
laquelle elle semble connecter ses actions dans la cuisine à “I Get a Kick out
of You.” Peut-être la musique est-elle une stratégie de préservation de soi. L’invité
du foyer ressent un lien spirituel entre lui et la bonne, malgré le fait
qu’elle ne réponde pas à ses salutations.
À l’exception du fait que ces
chansons étaient populaires au moment du récit, difficile de déterminer si les
standards du rat pack ont une signification particulière. “Get Me to the Church on Time” tiré de My Fair Lady
est assez différent. La chanson, comme les mains de Mr. Patimkin touchant
les deux amoureux, semble joindre pendant un court instant Neil, Brenda et son père.
Avant que Brenda ne réponde à la question de son père “You kids having a good
time ?” le trio est plus ou moins en train de se balancer (“sort of swaying”)
aux sons de la comédie musicale.
Roth, Philip. Goodbye, Columbus, Bantam Books,
1969, pp. 1-97.
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