Sherman Alexie a écrit une nouvelle au très long titre:
“Because My Father Always Said He Was the Only Indian Who Saw Jimi Hendrix Play
the Star-Spangled Banner at Woodstock.” Le texte mentionne quatre
musiciens (Jimi Hendrix, Elvis Presley, Hank Williams et Robert Johnson), ainsi
qu’une performance bien précise de l’hymne américain et une chanson country.
À la lecture du titre, nous
identifions Jimi Hendrix comme étant la principale figure musicale de
l’histoire. Les personnages le comparent-ils à d’autres icônes musicales ? Oui,
une anecdote concernant Hank Williams amène un narrateur confus à dire à son
père :
“Hank Williams and Jimi Hendrix don’t have much in
common[.]”
Pour le père du
narrateur, les deux musiciens ont en commun une grande connaissance des cœurs
brisés.
Le père déplore l’ignorance
de son fils puis change de sujet pour discuter de musique. Ceci l’amène à
partager sa vision personnelle de l’orchestration. La batterie est vue comme
l’instrument coupable, celui qui est largement responsable du manque de
sensibilité de la nouvelle génération. Il plaide en faveur du piano, de la
guitare et du saxophone.
Quels sont les détails
techniques mentionnés par le narrateur ? La réverbération est porteuse de
sens. Le premier bend de l’hymne est synchronisé de manière rituelle
avec les entrées du père.
Quelle relation les
personnages entretiennent-ils avec la guitare ? Père et fils sont conscients de
la difficulté de l’instrument. La mère rend compte avec sincérité ce qu’elle
ressentait lorsque son apprenti-guitariste de mari la courtisait. En ce qui
concerne le jeune narrateur, il sait qu’il aimerait jouer de cet instrument, mais
il envisage cet apprentissage comme un dialogue intime entre ses sens et son
imagination.
Mais revenons à présent à
la performance mentionnée dans le titre. Quels sons extra-musicaux le narrateur
associe-t-il à Jimi Hendrix ? Ils vont des bruits de moto (hallucinés et réels)
aux sanglots et fredonnements imbibés du père.
Il y a aussi la question
du support et de la diffusion. Écoutée sur la chaîne du foyer, la cassette audio
finit par s’user. Plus tard, alors qu’ils roulent en voiture dans des
conditions périlleuses, les personnages réentendent l’hymne revisité, au hasard
d’une requête faite par une auditrice à l’animateur radio. Des fragments de la
performance sont aussi entendus dans les souvenirs du père et les rêves du
narrateur.
Comment les personnages
s’identifient-ils à l’hymne et son interprétation ? D’après le narrateur, “[his] father was the perfect
hippie.”. D’après le père, “Indians are pretty much born soldiers anyway.”. Recouvrant
l’aspect psychédélique et martial de l’interprétation, ces déclarations
renforcent le lien entre les personnages et la performance de Woodstock.
Nous avons mentionné Hank
Williams auparavant. Le même processus d’identification s’applique-t-il aux
parents du narrateur lorsqu’ils entendent la valse country ‘I’m So Lonesome I
Could Cry ?”. Tandis que le père se souvient de sa première danse avec sa femme,
il dit à son fils : “We were in this cowboy bar. We were the only cowboys there despite the fact that
we’re Indians.” La réponse est oui. L’identification est
rapide, simple, naturelle et ironique à l’extrême.
Le pouvoir de Jimi est
réel et pérenne. Il fait apparaître au sein du foyer les cieux déchirés par la
guerre. Il est un chasse-neige dans la tempête. De sa tombe, il ruine un
mariage. Et sa présence est telle qu’elle peut guérir la solitude d’un homme.
Enfin, peut-être pas.
Tandis que le narrateur
songe aux réactions de son père à la musique, il remarque : “Music had powerful
medicine.”. Quelles autres propriétés spéciales attribue-t-on à la musique dans
ce texte ? Les chansons traditionnelles ont un pouvoir guérisseur. Les pas
d’une danse traditionnelle se répartissent entre ceux que l’on dédie à l’être
aimé et ceux qui préservent notre part de mystère.
Plus tard, le narrateur
trouve dans le blues de Robert Johnson un savoir particulier. Ce savoir
transcende le temps et les cultures : il est ainsi capable de trouver dans les
expériences passées du bluesman un écho à sa propre expérience.
Le narrateur cherche
anxieusement à rattacher ses rêves à la réalité. Après en avoir rêvé, il part vérifier
dans différents films quelles furent les conditions météo du festival. Plus tard,
dans un mouvement inverse, il prend la décision de ne pas briser immédiatement
le charme d’un rêve. Les tensions entre rêve et réalité sont au cœur de la
nouvelle. Grâce à la musique, le texte devient une interface entre différents
niveaux de conscience.
Suivez ce lien pour écouter un mash-up de Hank et Jimi.
Suivez ce lien pour écouter un mash-up de Hank et Jimi.
Alexie,
Sherman. “Because My Father Always Said He Was the Only Indian Who Saw Jimi
Hendrix Play the Star-Spangled Banner at Woodstock.” The Lone Ranger and
Tonto Fistfight in Heaven, Grove Press, 2013, pp. 24-36
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